À Dakar, un rapport international publié par The Lancet met en lumière l’urgence de réformer les systèmes de santé pour lutter contre les inégalités de genre qui freinent l’accès aux soins et limitent l’ascension des femmes dans les carrières sanitaires.
Présenté mardi soir sous l’égide de l’organisation Enda Santé, le rapport intitulé « Parvenir à la justice de genre pour l’équité en santé mondiale » est le fruit de deux années de recherches menées par une commission de 30 experts. Il dresse un constat sévère : malgré les avancées, les discriminations liées au genre continuent de miner les politiques de santé et les environnements de travail.
« Sommes-nous tous égaux face à la maladie ? Non. Y a-t-il une équité ? Certainement pas », a dénoncé El Hadj As Sy, coprésident de la Commission Lancet sur le genre et la santé mondiale. Selon lui, les rapports de pouvoir, qu’ils soient liés au genre, à l’origine géographique ou à la race, nourrissent ces inégalités structurelles.
Le document souligne notamment que les femmes représentent 70 % de la main-d’œuvre sanitaire dans le monde, mais peinent à accéder aux postes de direction : moins d’un quart en occupent actuellement, selon les chiffres de Global Health 50/50. « Ce n’est pas le fruit du hasard », affirme la professeure Sarah Hawkes, co-présidente de la commission. Elle dénonce des systèmes hérités du colonialisme et du capitalisme, qui perpétuent les déséquilibres existants.
Les auteurs insistent aussi sur les contradictions culturelles : bien que les hommes consomment davantage d’alcool et de tabac à l’échelle mondiale, ils sont aussi les moins enclins à consulter les services de santé. Une tendance qui montre, selon M. Sy, que les politiques de santé doivent impérativement intégrer une lecture genrée pour être efficaces.
La Commission propose une feuille de route articulée autour de trois axes : clarifier les concepts liés au genre pour mieux orienter les politiques publiques, améliorer la qualité et la ventilation des données statistiques, et « engendrer » les réformes, c’est-à-dire transformer les différences de genre en complémentarités, notamment dans l’accès aux soins.
Parmi les recommandations phares figurent l’introduction d’audits sur les écarts de rémunération, des quotas pour améliorer la représentation féminine aux postes décisionnels, et l’intégration systématique de la dimension genre dans toutes les politiques sanitaires, y compris la couverture santé universelle.
Les auteurs alertent également sur l’influence croissante des mouvements « anti-genre » qui, selon eux, freinent délibérément les avancées sous couvert de défendre des valeurs conservatrices. Le rapport demande une réponse ferme et structurée face à ces stratégies de blocage.
Pour financer ces ambitions, la Commission propose une taxe sur les produits nocifs (comme le tabac ou l’alcool), dont les recettes seraient affectées à des programmes de santé sensibles au genre. « Ceux qui tirent profit des inégalités doivent contribuer à leur élimination », résume Pr Hawkes.
Enfin, le rapport appelle à la tenue d’un sommet international en 2026, sous l’égide de l’OMS, pour transformer ces recommandations en engagements concrets. Une plateforme interactive de suivi des progrès est également annoncée pour juin 2025.