Pleins feux sur les piments forts

Ils brûlent, il irritent, il donnent des sueurs et font pleurer. Et pourtant, les Occidentaux – particulièrement ceux qui aiment les montagnes russes – sont de plus en plus nombreux à succomber à la douleur réconfortante des piments forts. Et ils n’ont pas fini de révéler tous leurs secrets.

Pendant de nombreuses années, ce qui s’approchait le plus du piment fort dans la cuisine des Québécois était une bouteille de sauce Tabasco, qui se vidait au gré des Bloody Caesar. Puis, il y a eu le fameux jalapeño sur les nachos. Mais depuis quelques années, les Québécois raffolent des piments forts, les vrais, ceux qui enflamment le palais, font pleurer des yeux et du nez et crier « aaarrhhh, Cayenne que c’est fort ! ».

«Avec la mondialisation, les Indiens se mettent à manger du fast-food et nous, on se met à manger des piments forts», explique Philippe de Vienne, fondateur de l’entreprise montréalaise Épices de cru, qui vend notamment une cinquantaine de variétés de piments séchés.

Le chasseur d’épices, qui parcourt la planète avec sa complice Ethné et dévore le monde un piment à la fois, est convaincu que la popularité des piments forts n’ira qu’en grandissant dans les années à venir.

Jean-Michel Tremblay, à qui l’on doit l’impressionnante sélection d’environ 450 sauces piquantes de la Boucherie Beau-Bien dans Hochelaga, contribue lui aussi à mettre un peu de piquant dans l’assiette des Québécois. Avec Jean-Sébastien Gauthier, président des sauces piquantes Damn ! à Chicoutimi, Jean-Michel, ce «petit gars du Lac-Saint-Jean», concocte une sauce aux bleuets et aux piments forts qui arrivera sur ses tablettes le mois prochain. Le jeune homme participe même à la création d’un Salon du piquant pour 2016. « Il y aura des cultivateurs qui présenteront leurs piments, des vendeurs de sauce et de piments », souligne-t-il.

Sa passion pour le piquant est le résultat de nombreux défis entre amis. «C’était à celui qui mangeait le piment le plus fort, reconnaît-il. Avec le temps, j’ai appris à découvrir les saveurs, mais le plaisir c’est aussi que ça fasse mal, sinon ça ne vaut plus la peine.»

Mais pourquoi diable vouloir souffrir en mangeant ? La réponse est infiniment plus complexe qu’elle n’y paraît.

À LA RECHERCHE DE SENSATIONS FORTES

Les recherches de Paul Rozin de la Pennsylvania University dans les années 80 ont démontré que la consommation du piment fort est associée à la force, la témérité et la virilité chez les Mexicains. Chez les étudiants américains, le piment est lié à la recherche de sensations fortes au même titre que celui d’aimer les montagnes russes, les jeux de hasard ou la consommation d’alcool.

Les hommes qui ont beaucoup de testostérone auraient aussi tendance à aimer davantage la nourriture piquante. Une étude de l’Université de Grenoble-Alpes intitulée Some Like it Hot et publiée le mois dernier dans la revue Physiology and Behavior a effectivement découvert un lien entre le taux élevé de testostérone et la quantité de sauce piquante consommée chez les sujets étudiés.

Une autre recherche de John Hayes et Nadia Byrnes du Sensory Evaluation Center de la Pennsylvania State University, dont les résultats ont été rendus publics le mois dernier, démontre même que les femmes aiment surtout la sensation de brûlure, alors que les hommes apprécient davantage la gratification sociale.

Philippe de Vienne ne nie pas qu’un certain «effet machismo» est souvent associé aux piments. Mais il explique autrement son amour du piquant.

On sait déjà qu’il est possible de s’habituer à la nourriture pimentée grâce à la désensibilisation des nerfs qui détectent la capsaïcine, c’est-à-dire la molécule du piment responsable de la sensation de brûlure. Les recherches de la Pennsylvania State University suggèrent toutefois que l’on apprend aussi, et surtout, à aimer la douleur.

« Tout comme le vin ou le thé, il y a un apprentissage d’appréciation, croit M. de Vienne. Mais est-ce qu’on peut tous manger des Bhut Jolokia, un des piments le plus forts du monde – son nom signifie d’ailleurs piment poison – et avoir du plaisir ? Sûrement pas. »

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