Sénégal : des irrégularités dénoncées dans la condamnation à vie du journaliste René Capain Bassène

Le Comité pour la Protection des Journalistes (CPJ) a dénoncé jeudi des irrégularités dans le procès du journaliste sénégalais René Capain Bassène, condamné à la perpétuité depuis 2022 pour complicité dans le meurtre de 14 coupeurs de bois en Casamance, dans le sud du pays.

Dans un rapport, Moussa Ngom, le nouveau représentant du CPJ pour l’Afrique francophone, a souligné les incohérences dans l’enquête ayant conduit à la condamnation de Bassène. Il a évoqué des témoignages obtenus sous la contrainte et des documents judiciaires entachés de nombreuses irrégularités. Ibou Sané, secrétaire du village de Toubacouta, a affirmé qu’un gendarme lui avait pointé une arme sur la tempe pour le forcer à incriminer Bassène. Selon Sané, le témoignage qu’il aurait donné sous contrainte a été utilisé pour condamner le journaliste.

De nombreux coaccusés acquittés ont également déclaré avoir été forcés de signer des procès-verbaux falsifiés. Maurice Badji, chef du village de Bourofaye Diola, et d’autres accusés ont nié avoir pris part à des réunions où Bassène aurait prétendument planifié les meurtres. Dou Sagna, un coaccusé, a relaté qu’un autre accusé, Jean Baptiste Badji, avait avoué sous la contrainte avoir menti, après avoir été brutalement traité par les gendarmes.

Les faits remontent au 6 janvier 2018, lorsque 14 coupeurs de bois ont été tués dans la forêt de Boffa Bayotte, une zone marquée par des tensions entre les autorités, les rebelles du MFDC et des trafiquants de bois. Bien que Bassène ait été arrêté huit jours après le massacre, les preuves de son implication restent contradictoires. Plusieurs témoins ont indiqué qu’il se trouvait à Ziguinchor lors du massacre. « J’étais sur le terrain de football lorsque j’ai appris la tragédie à la radio », a-t-il précisé dans son témoignage.

En parallèle, Bassène préparait un livre intitulé « Un conflit qui nourrit plus qu’il ne tue », dans lequel il prévoyait de dénoncer des trafics impliquant des autorités locales et des ONG. Il a affirmé que ses appels téléphoniques avec des leaders du MFDC, réalisés dans le cadre de son travail d’enquête, ont été utilisés contre lui comme preuve de son implication dans le massacre.

Le CPJ rappelle que Bassène est actuellement le seul journaliste sénégalais emprisonné dans le monde en 2024, et appelle les autorités sénégalaises à rouvrir l’enquête, afin d’assurer un procès équitable. Le rapport souligne également que le Sénégal fait partie des cinq pays africains où le nombre de journalistes emprisonnés est le plus élevé.

Bassène, qui affirme avoir subi des mauvais traitements en détention, espère que la Cour suprême du Sénégal réexaminera son cas après la confirmation de sa peine par la Cour d’appel en 2024.

Partage:
Laisser un commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *