Pr Robert Dussey sur AFO Média : « le panafricanisme dont nous parlons est la défense de notre identité, de notre dignité et le désir de solidarité de notre peuple pour exister au même point d’égalité que les autres »

Ce n’est plus un secret ! Ces dernières années, l’Afrique connaît un regain d’intérêt pour le panafricanisme, un mouvement historique qui prône l’unité et la solidarité entre les peuples du continent noir. Et si cette idéologie a traversé différentes phases de l’histoire africaine, elle semble aujourd’hui retrouver une nouvelle jeunesse, particulièrement face aux défis contemporains.

Selon le Pr Robert Dussey, ministre des Affaires étrangères du Togo, cette renaissance du panafricanisme trouve ses racines dans une série de frustrations profondes qui affectent les Africains sur différents plans. Ces propos ont été tenus lors d’une interview accordée à Afo Média et diffusé hier, vendredi six décembre 2024.

Le Pr Robert Dussey explique cette dynamique en soulignant l’impact de la frustration ressentie à l’échelle collective à cause des inégalités et des injustices persistantes dans la société. « Fondamentalement, je crois qu’il y a une frustration en Afrique liée aux humiliations, au manque de respect, à un complexe de supériorité qu’on découvre chez certains peuples, chez certaines personnes », indique-t-il.

Ces frustrations, selon lui, sont exacerbées par les disparités économiques, politiques et sociales entre l’Afrique et le reste du monde. En effet, pour lui, de nombreux Africains ressentent qu’ils sont traités comme inférieurs dans un système mondial dominé par des puissances historiques, ce qui engendre un sentiment de dévalorisation et de marginalisation.

Les Africains, dans leur diversité, partagent une perception de non-reconnaissance de leurs valeurs et de leur dignité, explique le ministre. Ce complexe de supériorité dont parle le ministre se manifeste par une sous-estimation systématique des capacités intellectuelles et des aspirations des peuples africains. « Vous pensez quelque chose et ils pensent que vous n’êtes pas capable de le penser », explique le Pr Robert Dussey, mettant en lumière le sentiment de déshumanisation que beaucoup de jeunes Africains peuvent ressentir face à la perception qu’on a d’eux dans les relations internationales ou même dans les interactions quotidiennes.

Cette humiliation, qu’elle soit subtile ou explicite, crée un terreau fertile pour un nouveau panafricanisme, qui cherche à redonner aux Africains la dignité et la place qu’ils méritent, indique l’hôte de Alain Foka. Pour le Pr Robert Dussey, ce mouvement ne doit pas être vu comme une idéologie contre les autres, mais comme une quête de reconnaissance et de respect pour les Africains. « Le panafricanisme dont nous parlons est la défense de notre identité, de notre dignité et le désir de solidarité de notre peuple pour exister au même point d’égalité que les autres », déclare-t-il.

Ainsi, le panafricanisme contemporain ne se veut pas antagoniste, mais plutôt porteur d’une ambition d’égalité et de solidarité. A l’en croire, les Africains ne demandent pas plus, mais souhaitent simplement être respectés et traités sur un pied d’égalité avec les autres nations. En outre, ce sentiment de frustration ne se limite pas aux dimensions culturelles ou sociales, mais touche également le domaine institutionnel.

Le Pr Robert Dussey souligne que ces frustrations sont visibles à travers les structures de pouvoir et les relations internationales, où l’Afrique est souvent reléguée à un statut secondaire. Cela alimente un désir de réappropriation de l’espace politique, économique et culturel. Les jeunes générations, notamment, ne se contentent plus d’accepter passivement leur statut de « perdants » dans le système mondial. Ils veulent désormais se battre pour leurs droits, leur développement et leur place dans le monde.

Le panafricanisme moderne, tel que le décrit le ministre, se veut responsable. Il est fondé sur une prise de conscience collective de l’importance de l’unité et de l’action commune pour surmonter les défis internes et externes auxquels le continent est confronté. Il est aussi une réponse à l’héritage colonial et à la domination historique qui ont laissé des cicatrices profondes dans les sociétés africaines.

Enfin, le Pr Robert Dussey conclut en soulignant que ce mouvement est essentiel pour la survie et l’épanouissement des peuples africains. « Aujourd’hui, les gens parlent et reparlent du panafricanisme pour dire non, nous devons faire quelque chose pour notre survie », affirme-t-il. L’appel à une solidarité panafricaine semble être un impératif face aux défis auxquels les Africains font face, qu’il s’agisse de la lutte contre la pauvreté, des questions de gouvernance, ou des inégalités mondiales.

Ainsi, le regain du sentiment panafricain que l’on observe aujourd’hui en Afrique ne relève pas d’une simple nostalgie du passé, mais plutôt d’une nécessité de réaffirmer l’identité et la dignité des Africains dans un monde souvent dominé par des forces extérieures. Ce mouvement est avant tout une réponse à des frustrations accumulées, et un appel à la solidarité pour garantir un avenir plus égalitaire pour tous les peuples du continent, conclut-il.

Partage:
Laisser un commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *