Le Premier ministre français, Michel Barnier, se retrouve face à un vote de défiance qui pourrait laisser la France sans gouvernement fonctionnel ni budget alors que l’année 2024 approche.
Cela signifie-t-il que la France se dirige vers une crise constitutionnelle ou une situation semblable à une fermeture gouvernementale à l’américaine, où les fonctionnaires sont non payés et les départements non financés ? Pas exactement.
La Constitution française prévoit plusieurs scénarios permettant de maintenir, dans une certaine mesure, l’ordre dans le pays. Les institutions françaises restent relativement solides et les lois garantissent la continuité en l’absence de gouvernement et de budget. Cependant, le pays devra payer un prix pour cela : les investisseurs commencent déjà à vendre des actions et des obligations françaises, ce qui augmente les coûts d’emprunt.
Comment la France en est-elle arrivée là ?
Michel Barnier a été nommé en septembre 2024 par le président Emmanuel Macron, qui a ignoré les résultats des élections législatives désastreuses pour son propre parti et ses alliés. Au lieu de nommer un responsable de la coalition de gauche, qui avait remporté le plus de voix, Macron a choisi Barnier, une figure du centre-droit traditionnel. Cette décision a provoqué la colère de la coalition de gauche.
Depuis sa nomination, Barnier vit « l’enfer de Matignon », un terme souvent utilisé par les commentateurs politiques pour décrire les difficultés d’un Premier ministre installé à la tête du gouvernement depuis le palais de Matignon, où il dispose de certains pouvoirs, mais pas de tous.
Le lundi précédent, Barnier a fait passer un projet de loi de finances à l’Assemblée nationale sans vote, une manœuvre risquée qui a provoqué des motions de censure de la part des partis de gauche et du Rassemblement national de Marine Le Pen. Le destin de Barnier et de son cabinet, nommés il y a trois mois par Macron, repose désormais entre les mains des parlementaires.
Que se passe-t-il ensuite ?
Le vote de censure pourrait avoir lieu dès mercredi et il semble probable qu’il soit adopté. Si c’est le cas, Barnier sera contraint de démissionner et le gouvernement entrera en mode intérimaire. Le précédent gouvernement de Macron avait également fonctionné en mode intérimaire de juillet à septembre. Ce gouvernement avait l’autorité de gérer les « affaires courantes », mais était limité dans ses pouvoirs.
Aucun texte juridique ne définit précisément ces limites, mais les juristes français s’accordent à dire qu’un gouvernement intérimaire ne peut pas proposer de nouvelles lois ni prendre de nouveaux décrets. Toutefois, il peut continuer à gérer des affaires gouvernementales comme le paiement des salaires et des pensions. Le cabinet ne se réunit plus. Il reviendrait alors à Macron de nommer un nouveau Premier ministre. Il pourrait prendre son temps et choisir n’importe qui, sans être obligé de choisir un membre de la majorité parlementaire.
Et le budget ?
Le budget de 2025 proposé par Barnier, qui comprend environ 60 milliards de dollars d’augmentations fiscales et de réductions des dépenses, serait alors caduque. Si Macron agit rapidement et nomme un nouveau Premier ministre avant la fin de l’année, un nouveau budget pourrait être soumis à l’Assemblée nationale, et les parlementaires disposeraient de 70 jours pour l’examiner.
Mais cela signifierait tout de même que la France n’aurait pas de loi de finances avant le Nouvel An. Selon la législation française, le gouvernement pourrait proposer une « mesure spéciale » réappliquant le budget de 2024 d’ici le 19 décembre. Les fonctionnaires seraient alors payés et les taxes maintenues au niveau actuel.
Si le Parlement refuse cette mesure ou ne parvient pas à tenir un vote, Macron pourrait invoquer ses pouvoirs constitutionnels extraordinaires et imposer un budget par décret. Cependant, les juristes s’accordent à dire que les conséquences politiques d’une telle décision pourraient être graves, en particulier à un moment où le président français est déjà contesté pour ne pas avoir respecté la voix des électeurs.
Que va-t-il advenir de Macron ?
Selon la Constitution, Emmanuel Macron restera président jusqu’à la fin de son mandat en 2027. Toutefois, il est presque certain que son image sera encore plus ternie par cette crise. De nombreux politiciens, à gauche comme à droite, appellent déjà à sa démission, mais il a jusqu’ici résisté à ces pressions. Il est limité par la durée de son mandat et ne peut pas briguer un second mandat.
Ainsi, la situation politique en France pourrait évoluer vers une nouvelle phase d’instabilité, avec des répercussions profondes sur la gouvernance du pays.