Des étudiants de l’Université de Sherbrooke ont développé un outil qui permet aux maraîchers de débarrasser leurs champs des mauvaises herbes plus rapidement et sans recourir aux herbicides

La jeune pousse Désherbex a mis au point un attelage de bras robotisés mus par un outil d’intelligence artificielle qui détecte les mauvaises herbes.

Des étudiants de l’Université de Sherbrooke ont développé un outil qui permet aux maraîchers de débarrasser leurs champs des mauvaises herbes plus rapidement et sans recourir aux herbicides.

Lors d’un stage en milieu agricole durant ses études en génie robotique, Simon Michaud s’est heurté au constat suivant : la seule solution contre nos mauvaises herbes, ce sont les herbicides. « C’est un peu fâchant », commente le Sherbrookois d’origine.

Fâchant, parce que ces produits chimiques sont souvent montrés du doigt pour leurs impacts nocifs en matière de biodiversité. Le Québec s’est d’ailleurs doté d’une cible de réduction de 15 % du volume de pesticides vendus dans la province entre 2020 et 2030.

L’autre solution, beaucoup plus verte, consiste à déraciner chaque mauvaise herbe manuellement. Seul hic : elle est très coûteuse en main-d’œuvre.

Selon les besoins des agriculteurs, on peut fixer des dizaines de bras robotiques au même châssis, lequel sera ensuite attelé derrière un tracteur qui parcourra les rangs de légumes à la recherche de mauvaises herbes.

« Ça prenait [à l’agriculteur] des dizaines et des dizaines de travailleurs qui passaient tout l’été à quatre pattes pour arracher les mauvaises herbes », raconte Simon Michaud.

« La main-d’œuvre, ça peut être de 40 % à 70 % de nos coûts, selon le type de culture », confirme l’agronome Guillaume Cloutier, qui possède la ferme maraîchère Delfland à Napierville.

Un bras robotique

C’est en voulant résoudre cette problématique que l’entreprise Désherbex est née. Au départ, il s’agissait d’un simple projet dans un cours d’entrepreneuriat. Cinq ans plus tard, après nombre de prix, de bourses et d’heures de travail, il s’agit d’un outil alliant intelligence artificielle (IA), bras robotiques et compartiments modulaires.

La plus belle chose qu’on a réussi à inventer, c’est un bras robotique, avec une caméra, capable d’arracher les mauvaises herbes devant lui.

 Simon Michaud, étudiant de l’Université de Sherbrooke

Le bras robotique ne travaille jamais seul. Selon les besoins des agriculteurs, on peut fixer des dizaines de bras robotiques au même châssis, lequel sera ensuite attelé derrière un tracteur qui parcourra les rangs de légumes à la recherche de mauvaises herbes.

Comment ce bras distingue-t-il une mauvaise herbe d’un légume cultivé ? Au moyen d’un outil d’IA qui contrôle les bras robotiques en voyant à travers la caméra.

Comment ce bras distingue-t-il une mauvaise herbe d’un légume cultivé ? Au moyen d’un outil d’IA qui contrôle les bras robotiques en voyant à travers la caméra. Pratiquement comme le ferait un humain, mais sans le mal de dos.

Cet outil d’IA évolutif, entièrement développé par l’équipe, est capable de s’adapter aux cultures qui grandissent, ainsi qu’aux mauvaises herbes qui changent constamment.

Désherbex est aussi ajustable selon la largeur des rangs et les dimensions du champ, puisqu’il est conçu par modules. C’est une des raisons pour lesquelles le producteur agricole Guillaume Cloutier voit « beaucoup de potentiel » dans cette technologie.

C’est d’ailleurs dans ses champs que l’outil conçu par l’entreprise de Sherbrooke a passé une partie de l’été.

Herbicides

L’objectif de Désherbex est d’effectuer un désherbage « plus tôt et plus vite », indique Simon Michaud. En adoptant cette façon de faire, on évite de mettre autant d’herbicides ensuite.

« La réduction de l’utilisation de pesticides, c’est 100 % ce qu’on prône dans les classes », explique Mathieu Leduc, agronome et chargé d’enseignement à la faculté de l’agriculture et de l’environnement de l’Université McGill.

Plusieurs raisons expliquent qu’on veuille restreindre l’emploi des pesticides. D’abord, plus les agriculteurs en utilisent, plus les plantes y deviennent résistantes.

Selon le répertoire Sage-Pesticides, du gouvernement du Québec, on recense au moins six mauvaises herbes résistantes au glyphosate, l’herbicide le plus vendu dans le monde.

Selon le répertoire Sage-Pesticides, du gouvernement du Québec, on recense au moins six mauvaises herbes résistantes au glyphosate, l’herbicide le plus vendu dans le monde.

Mathieu Leduc compare leur utilisation à celle d’antibiotiques. « Quand le médecin sait qu’on a une infection, il prescrit l’antibiotique. On ne donne pas des antibiotiques toute l’année. »

Ensuite, leur utilisation représente un risque pour tous les travailleurs qui y sont exposés. Particulièrement pour ceux chargés de diluer le produit concentré dans le solvant et pour ceux qui retournent dans le champ après l’épandage.

Danger accru avec les changements climatiques

Les plus grands effets néfastes, encore peu connus, des herbicides sur l’écosystème surviennent lorsque les produits sortent des champs et atterrissent dans les forêts, les cours d’eau et la nappe phréatique, explique l’agronome.

Par effet de drainage, c’est lorsqu’il y a de forts vents et des pluies intenses qu’on trouve le plus de pesticides dans la nature.

« Depuis quelques années, nos précipitations, au lieu de tomber sur une semaine, tombent sur deux heures, s’inquiète Mathieu Leduc. Avec les changements climatiques, les évènements météo sont rendus de plus en plus intenses. »

Simon Michaud espère que Désherbex pourra « changer les habitudes et réduire les couches et les types d’herbicides utilisés » en offrant une solution efficace et moins coûteuse aux fermiers.

La Presse

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