Retour sur la saison du CF Montréal : Laurent Courtois place ses convictions au-delà des doutes

Il y a eu des tempêtes, et du ciel bleu. Du grand vent, de dos et de face. De belles victoires, de lourds échecs, des crashs, des clashs, du beau jeu, du très laid. À travers tout ça, la leçon qu’a apprise Laurent Courtois au crépuscule de sa première saison en tant qu’entraîneur-chef chez les professionnels ? « Crois encore plus en toi. »

La Presse a rencontré le technicien du CF Montréal dans l’amphithéâtre du Centre Nutrilait, il y a une dizaine de jours, à un peu plus d’une semaine du match ultime et décisif de son club. Le CFM affrontera le New York City FC ce samedi soir, à 18 h. Il n’a besoin que d’un point pour confirmer sa participation au match de barrage donnant accès aux séries. C’est donc dire qu’après les nombreuses péripéties qui ont composé le récit de cette saison 2024, tout se décidera dans les dernières pages de la campagne. Comme un bon roman d’Agatha Christie.

« C’est un peu l’absurdité du métier, nous dit Courtois, candidement. Tu prends un point, tu es qualifié, et si on arrive à faire une performance correcte, je vois d’entrée les beaux titres, les tapes sur l’épaule. Et si on n’attrape pas ce point et on fait un scénario catastrophe, là, tout le monde m’allume. C’est absurde. »

On parlera alors de son « manque d’expérience », croit-il. De sa « capacité à gérer les stars ». « C’est normal, ça fait partie du métier. Il ne faut juste pas que je laisse ça me déranger sur où je veux aller, moi. »

Le CFM en séries, comment ?
Victoire ou match nul du CF Montréal : le CFM participe au match de barrage donnant accès aux séries
En cas de défaite du CF Montréal :

Si Philadelphie (contre Cincinnati) gagne son match : le CFM est exclu des séries

Si Atlanta (contre Orlando) gagne son match : le CFM est exclu des séries

Si Philadelphie et Atlanta perdent ou font match nul : le CFM participe au match de barrage donnant accès aux séries

Scénario exceptionnel : Le CFM perd par un seul but, Washington (contre Charlotte FC) perd par 5 buts ou plus, et un seul parmi Philadelphie et Atlanta gagne son match : le CFM participe au match de barrage donnant accès aux séries

« Ça restait de la découverte »

Le thème de ses apprentissages des 10 derniers mois a été au centre de notre discussion d’une trentaine de minutes, en cet après-midi d’octobre. Il en nomme trois principaux : la « connaissance détaillée des équipes adverses », la « gestion des médias » et celle de l’ensemble de son effectif.
Au sujet de ses opposants, il estime que « l’année prochaine, il y aura un vrai, vrai, vrai temps d’avance. Cette année, même s’il y avait beaucoup de travail, ça restait de la découverte ».

On peut lui donner ceci : non seulement a-t-il été lancé en tant que coach recrue en MLS, mais il l’a aussi fait dans une ville qu’il ne connaissait essentiellement pas, dans laquelle il a dû s’installer, chez un club dont toute la familiarisation était à faire. En plus d’être l’un des plus suivis de la ligue, médiatiquement parlant.
Lui-même a essayé de se mettre un « filtre » au fil de ses apparitions devant les journalistes, sans succès. « Je ne suis pas bon, parce que dès que j’ai l’impression que je commence à me mentir, je n’y arrive pas. »
Il a encore en tête la question du représentant de votre journal après la défaite de 5-0 au stade Saputo en août contre la Nouvelle-Angleterre, pire équipe de l’Est à ce moment. Nous lui avions demandé, en gros, s’il avait l’impression que son poste était en danger après une telle dégelée, à domicile qui plus est.

« Et hormis les transitions qui ont coûté directement des buts en deuxième mi-temps – et c’est déjà trop –, il y a eu quelques-unes des meilleures séquences de la saison, avec le ballon », se rappelle-t-il

Ces propos de Laurent Courtois rejoignent son optique de nuance constante. Celle de voir du bon dans du mauvais, et du mauvais dans du bon, de ne jamais s’extasier ou paniquer. En ce sens, son défi cette saison a été de « continuer à croire et à travailler sur ce qui [lui] paraît le plus juste et cohérent, sur le terrain et en dehors ». Parce que souvent, « tu doutes parce que des gens doutent ».

Il ne nomme pas précisément les critiques des médias ou des partisans, ici. Peut-être même que les remises en question sont venues de l’interne, à l’entendre parler. « Par exemple, dès que ça ne se passe pas bien, on dit : “T’es sûr que tu veux faire ça avec ton gardien ?” Et tu peux appliquer ça pour chaque position et chaque ligne. C’est normal. Dès que ça ne va pas, l’humain est comme ça. Ça tourne du côté du doute. Soit parce qu’ils pensent que c’est leur façon de t’aider, soit parce qu’ils n’y croient pas. Soit parce que c’est leur travail de poser des questions qui dérangent. C’était intéressant pour moi [de trouver] comment tu arrives à te maintenir, et dire : “Non, c’est ça qu’on veut faire.” »

Discussions et prises de bec

En 2024, il n’est pas question de séries sans le brio de Josef Martínez, auteur de 5 buts en 3 matchs pendant la séquence positive entamée en septembre et de 10 filets jusqu’à maintenant cette saison.

Courtois s’est référé plus tôt à sa « capacité à gérer les stars », potentiellement remise en doute dans l’échec d’une qualification. C’est que sa relation avec l’attaquant vedette, à tort ou à raison, a été au cœur de l’intrigue du CF Montréal cette année.
À la mi-août, après avoir écarté le Vénézuélien d’un match dans le cadre d’un geste disciplinaire, Courtois a notamment parlé d’une « grosse déception », en terminant avec ceci : « Je donne la main jusqu’à ce que tu me trahisses. » Ces mots ont été perçus, entre autres par l’auteur de ces lignes, comme l’aveu d’une trahison de Martínez vécue par Courtois.

Ce n’était pas tout à fait ce qu’il voulait dire. « Tant que tu ne m’as pas trahi, tu as toute ma confiance », reformule-t-il lorsqu’on lui mentionne cet épisode.

Oui, cette période a été « compliquée », concède l’entraîneur. Mais Martínez n’est pas le seul membre de l’effectif avec qui il a dû avoir des discussions. « Il y a eu plusieurs épisodes avec beaucoup de joueurs. »

Je suis content d’avoir eu les mots et les tête-à-tête individuels – ou collectifs – avec les gars, desquels vous, vous n’êtes pas au courant.

On en revient à sa gestion de l’ensemble des 30 joueurs sous contrat avec le club. Ils n’ont pas tous pu participer au projet. Certains, comme Rida Zouhir, sont partis en prêt à la mi-saison. D’autres, comme Victor Wanyama, ont réchauffé le banc du début à la fin, jusqu’à ne plus voyager avec l’équipe. « Naïvement, j’ai voulu un peu fédérer tout le monde, avoue-t-il. […] Du coup, ça a un peu freiné soit la progression, soit la guérison du groupe. Sur ça, je suis très vigilant pour l’année prochaine. »

« Ouais, c’était dur »

Il y a eu l’impressionnant début de saison sur la route. Jusqu’à la « comédie » de la défaite de 4-3 à Chicago en mars, après une bourrasque dans la ville des vents déviant la trajectoire du ballon jusque dans le filet. « Je n’ai pas beaucoup d’expérience, mais je ne pense pas que vous revivrez deux scénarios de match comme ça », soupire Courtois.
« On n’a pas su rebondir après ça », ajoute-t-il. S’en est suivi le mois de mai infernal, avec la demande d’échange de Mathieu Choinière, les défaites, l’échec en Championnat canadien. En plus du départ d’Olivier Renard. « C’est le gars qui m’a donné ma première opportunité en MLS, rappelle Courtois. Son fils est passé par des scènes de film d’horreur [NDLR : au début janvier]. Je sais qu’il s’est battu pour me signer, avant et pendant. Et qu’il ait dû partir aussi rapidement… ouais, c’était dur. »

Tant bien que mal, le CF Montréal a gardé la tête hors de l’eau pour les mois suivants. Jusqu’à la grande bouffée d’air frais automnale (cinq matchs sans défaite, dont quatre victoires), permise selon Courtois par l’arrivée de Caden Clark, une « évolution » substantielle en défense, ainsi qu’une « exécution » et une « confiance » rehaussées. Et maintenant, un dernier chapitre reste à écrire. « Ce que je contrôle, moi, c’est la direction que j’espère aider le club à prendre, l’identité de jeu sur le terrain avec les joueurs actuels. […] Tout ce qui reste dans le rectangle vert, je suis persuadé qu’on a des choses intéressantes à proposer. »

CF Montréal c. New York City FC, ce samedi à 18 h (RDS2)

La Presse

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