Temps d’écran chez les jeunes « Ça concerne tout le monde » dit Amélie Dionne

45 % des jeunes de 6 à 17 ans passaient plus de 10 heures en moyenne par semaine sur l’internet en 2023, alors que cette proportion n’était que de 40 % en 2020, selon une enquête de l’Académie de la transformation numérique.

« Il faut s’y attaquer » : l’ensemble de la société est interpellé par la place grandissante des écrans et des réseaux sociaux dans la vie des enfants, et des actions doivent être entreprises pour renverser la tendance. C’est le constat de la présidente de la commission parlementaire chargée de se pencher sur cette question, Amélie Dionne. Au terme d’une première phase de consultation qui vient de se conclure à l’Assemblée nationale, La Presse s’est assise avec la députée, pour faire le point.

Une prise de conscience collective

La prémisse est limpide : les écrans et les réseaux sociaux sont de plus en plus présents dans la vie des jeunes Québécois. Une enquête de l’Académie de la transformation numérique établissait qu’en 2023, 45 % des jeunes de 6 à 17 ans passaient plus de 10 heures en moyenne par semaine sur l’internet, alors que cette proportion n’était que de 40 % en 2020.

Durant plusieurs semaines, en septembre, une quarantaine d’experts ont ainsi éclairé les députés membres de la Commission parlementaire transpartisane chargée de se pencher sur cet enjeu aux nombreuses facettes1.
Parmi les principaux constats tirés jusqu’ici : « on s’aperçoit que c’est une prise de conscience collective », dit celle qui préside les travaux de cette commission, la députée de Rivière-du-Loup–Témiscouata Amélie Dionne. Au-delà de l’encadrement des plateformes numériques, « on entend que les parents ont besoin d’être outillés, ils ont besoin de ne pas être laissés seuls devant ce fléau ».
Car les effets délétères de cette hausse du temps d’écran sont nombreux.

Pour les 0-5 ans, on parle de développement cognitif, de développement des compétences sociales. Chez les jeunes de 6 à 17 ans, c’est au niveau de l’anxiété et de l’estime de soi.

Si les garçons éprouvent surtout des problèmes de gestion des émotions, les filles se comparent à leurs influenceurs préférés, souligne-t-elle.

Mais tout n’est pas noir. D’ailleurs, Amélie Dionne s’inscrit en faux contre l’idée de bannir complètement les écrans à l’école. « C’est important d’enseigner aux enfants l’utilisation du numérique parce qu’on vit dans cette ère », explique-t-elle en insistant sur l’importance de « comprendre ce qui amène un plus ».

Le rôle des plateformes

C’est l’éléphant dans la pièce. Appelées à venir répondre aux questions des parlementaires, les multinationales Meta (Facebook, Instagram) et ByteDance (propriétaire de TikTok), qualifiées de « pushers numériques » par le premier ministre François Legault en mai dernier, ont décliné l’invitation2.
Fait rare, la Commission les a récemment relancées, consciente de leur rôle « essentiel » dans ses travaux, et une nouvelle date d’audience a été fixée le 22 octobre prochain.
Refusant de commenter le désistement initial des deux entreprises, Amélie Dionne souligne que « ça envoie un message très fort de la Commission de les convoquer de nouveau ».

Car au-delà de la responsabilité individuelle des jeunes, les réseaux sociaux « doivent faire partie de la solution ». « Les études le disent : c’est un outil de distraction », explique-t-elle, convaincue que ces plateformes mettent en place certaines fonctions qui font que « ça devient une dépendance » pour les jeunes et même les moins jeunes.

Quelle poignée pour le gouvernement ?

Mais Québec a-t-il vraiment les moyens d’agir pour réduire ou encadrer le temps d’écran des enfants ou leurs relations aux réseaux sociaux ?
Maintes analyses ont évoqué la difficulté de mettre en place certaines mesures, dont une interdiction d’accès aux réseaux sociaux aux moins de 16 ans, une idée des jeunes caquistes appuyée par François Legault le printemps passé3.

Il y a eu des discussions, on en a beaucoup parlé. Au niveau légal, ça peut avoir des effets [de fixer une majorité numérique], mais au niveau de l’applicabilité, ça demeure des questions qu’on se pose.

Quant aux recommandations qui seront contenues dans le rapport que doit remettre la Commission au plus tard le 30 mai 2025, elle se garde bien d’ouvrir son jeu. Celui-ci « ratissera large », assure-t-elle.

Encadrer l’usage des écrans chez les jeunes, « c’est une responsabilité partagée [qui concerne] autant le gouvernement que la société en général », insiste-t-elle. « On va émettre des recommandations et on n’exclut rien. »

Les prochaines étapes

Cet automne, les parlementaires se rendront ensuite dans six régions du Québec (Bas-Saint-Laurent, Capitale-Nationale, Côte-Nord, Gaspésie, Montréal et Outaouais) afin de visiter des écoles primaires et secondaires où ils pourront discuter directement avec les jeunes.
Critiquée pour ne pas avoir invité de jeunes à ses consultations, la Commission estimait qu’il ne s’agissait tout simplement pas du bon véhicule pour les entendre, indique Amélie Dionne.
« C’est quand même intimidant de venir en commission parlementaire, alors d’aller sur place leur parler, ça va vraiment créer une atmosphère qui va les inviter à parler », croit-elle.

D’ici là, enfants, parents et grands-parents seront appelés à participer : une consultation en ligne se tiendra dans la semaine du 28 octobre. On espère une large participation, car l’effet des écrans et des réseaux chez les jeunes, « on s’aperçoit de plus en plus que c’est vraiment un problème de société, que tout le monde s’y intéresse et que ça touche tout le monde », dit Amélie Dionne.

 

La Presse

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