Finance alternative : un levier pour le développement des entreprises

Le 13 février 2025, l’Institut Africain de Management (IAM) a organisé une session de rentrée Executive Education à Dakar, réunissant experts et professionnels pour discuter du rôle croissant de la finance alternative dans la croissance des entreprises africaines. Ce rassemblement a mis l’accent sur les diverses formes de finance alternative, notamment la finance digitale, verte, islamique et participative, et sur leur potentiel à faciliter l’accès au financement pour les entreprises africaines, dont 95% sont exclues des circuits bancaires traditionnels.

Lors de l’événement, Ahmadou Bamba Fall, Directeur Général de l’IAM, a souligné un problème récurrent : « L’un des obstacles majeurs pour les entreprises africaines, en particulier celles du Sénégal, est l’accès au financement. Les banques traditionnelles demandent des garanties élevées, rendant difficile l’accès aux crédits pour la majorité des PME et PMI. » Selon lui, près de 95% des entreprises rencontrent ces difficultés.

Un autre intervenant, Ndiouga Diop, Finance Manager chez Orange Sénégal, a ajouté que le Sénégal est caractérisé par un paradoxe économique. Malgré la présence de nombreuses banques, environ 90% de leurs clients sont des petites entreprises et des commerçants, alors que ces institutions se concentrent principalement sur les grandes entreprises.

Pour répondre à ce manque de financement traditionnel, plusieurs alternatives ont été présentées par les intervenants. La finance digitale, notamment via le Mobile Money, a été identifiée comme un vecteur majeur pour inclure les populations non bancarisées dans le système financier. De plus, la finance verte, qui allie développement économique et préservation de l’environnement, est également apparue comme une solution prometteuse pour un financement plus durable.

La finance islamique, fondée sur le principe du partage des risques et l’interdiction des intérêts (riba), constitue une option viable pour les personnes soucieuses de respecter leurs valeurs religieuses. Par ailleurs, le financement participatif, ou crowdfunding, a été mis en avant comme un moyen de soutenir les start-ups et les projets innovants en mobilisant des fonds auprès d’une large communauté de contributeurs.

Sidiki Tall, Directeur de la banque digitale chez UBA, a précisé que la finance alternative représente à la fois une opportunité et une contrainte : « D’un côté, elle offre de nouvelles solutions de financement, comme le crowdfunding, mais d’un autre côté, la finance digitale s’impose peu à peu aux banques traditionnelles. »

L’évolution du système financier a également été influencée par des crises comme celle de 2008, qui a bouleversé les pratiques bancaires. Sidiki Tall a évoqué l’impact de cette crise, notamment les réformes Bâle II et Bâle III, qui ont imposé des restrictions de crédit et incité les grandes entreprises à diversifier leurs sources de financement.

L’essor du Mobile Money est également frappant. Selon Ndiouga Diop, ces services représentent aujourd’hui une part importante des ressources bancaires, malgré le fait que les banques ne réinjectent pas ces fonds dans les petites entreprises, préférant prêter aux grandes sociétés. Cela limite l’impact économique local et freine la croissance des petites entreprises.

Par ailleurs, de nouveaux acteurs comme les Fintech et les fonds de capital-risque offrent des alternatives flexibles, basées sur le potentiel des projets plutôt que sur des exigences strictes en matière d’historique financier. Ces initiatives, telles que Capital Teranga, montrent qu’il est possible de financer des projets sans recourir aux critères rigides des institutions bancaires classiques.

La finance islamique, bien qu’elle ait du mal à s’imposer au Sénégal malgré une population majoritairement musulmane, a également été discutée. Bamba Fall a expliqué que la finance conventionnelle, qui repose sur le principe de l’emprunt et du remboursement avec intérêt, diffère de la finance islamique, où les risques et les bénéfices sont partagés entre les parties prenantes. Cela remet en question le modèle classique des banques.

En outre, des solutions telles que les soukouks (obligations islamiques) représentent des alternatives intéressantes pour des pays comme le Sénégal, confrontés à des niveaux d’endettement élevés. L’évolution du cadre législatif joue un rôle crucial dans la promotion de la finance alternative, comme l’a souligné Bamba Fall, avec des lois récentes visant à encadrer les activités de la microfinance et du secteur bancaire. La Banque centrale, par exemple, a introduit des régulations sur le Mobile Money dès 2006, et continue d’adapter son cadre législatif pour favoriser les acteurs du secteur.

Cet événement à l’IAM a confirmé que la finance alternative est devenue essentielle pour soutenir l’économie africaine. Comme l’a conclu Ndiouga Diop : « Pour dynamiser et rendre notre économie plus inclusive, il est impératif de repenser nos modes de financement des petites entreprises et commerçants en exploitant les opportunités offertes par les nouvelles technologies et les modèles alternatifs de financement. »

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