Des déclarations sur Bip Radio et Rfi de Me Ayodélé Ahounou, avocat d’Olivier Boko et de ses coaccusés dans une affaire impliquant des accusations de complot contre la sûreté de l’État, de blanchiment de capitaux et de corruption, appellent une analyse critique. Bien que présentées comme des arguments de défense, certaines de ses affirmations pourraient susciter des interrogations sur la solidité de la stratégie adoptée et, paradoxalement, alimenter les suspicions.
L’absence d’aveux : un argument a double tranchant
Me Ahounou déclare : « Parlant d’aveu, il n’y en a pas eu et il ne saurait y en avoir. » Cette affirmation vise sans doute à démontrer la constance des accusés dans leur dénégation des faits. Cependant, cette posture peut être perçue de manière ambivalente.
En droit pénal, l’absence d’aveux ne constitue ni une preuve d’innocence ni un élément décisif de culpabilité. Ce sont les preuves matérielles et les éléments circonstanciels qui priment. L’avocat, en insistant sur cette absence, semble orienter sa défense sur une ligne défensive rigide. Une telle approche pourrait être interprétée comme une incapacité à produire des éléments tangibles pour réfuter les accusations, renforçant ainsi les soupçons des parties adverses.
La présomption d’innocence : une garantie fondamentale mais insuffisante
L’avocat rappelle à juste titre que « tout accusé est présumé innocent jusqu’à preuve du contraire ». Si ce principe est un pilier du droit, le recours excessif à cette garantie peut être perçu comme une tentative de compenser une défense dépourvue d’éléments factuels.
Par ailleurs, Me Ahounou semble concentrer son argumentaire sur des considérations de procédure plutôt que sur une contestation directe des faits reprochés. En effet, l’absence d’une contestation claire des accusations – complot, blanchiment et corruption – pourrait laisser entendre que la défense évite d’aborder certains aspects sensibles du dossier.
Les demandes d’instruction complémentaire : entre stratégie et aveu implicite
L’appel à des mesures d’instruction supplémentaires, justifié par Me Ahounou comme étant « utiles à la défense », reflète une reconnaissance implicite des lacunes dans le dossier actuel. Si ces démarches visent à clarifier certains aspects ou à fournir des preuves en faveur des accusés, elles peuvent également être interprétées comme une tentative de retarder le jugement, une stratégie souvent critiquée dans des affaires sensibles.
De plus, dans des cas où les preuves à charge sont jugées insuffisantes ou contestables, la défense aurait pu demander un abandon pur et simple des poursuites. L’insistance sur ces mesures d’instruction pourrait, dès lors, être perçue comme une reconnaissance tacite du poids des charges existantes.
Une communication prudente mais insuffisante
Enfin, Me Ahounou a déclaré que « les avocats ne sont pas les ennemis de la justice », mettant en avant une collaboration harmonieuse avec les magistrats. Bien que cette déclaration puisse sembler positive, elle peut également détourner l’attention des questions substantielles de l’affaire. Une stratégie de défense véritablement solide aurait mis en avant des preuves concrètes ou des arguments factuels, plutôt qu’une simple mise en avant de relations professionnelles.
Une défense qui peine à dissiper les doutes
En examinant les déclarations de Me Ahounou, il apparaît que sa stratégie repose principalement sur des arguments procéduraux (présomption d’innocence, demandes d’instruction) et des principes généraux du droit. Toutefois, l’absence d’une contestation frontale des accusations et de preuves convaincantes en faveur des accusés risque d’affaiblir sa position.
Si la prudence de Me Ahounou est compréhensible, ses déclarations laissent entrevoir des failles potentielles qui pourraient être exploitées par l’accusation. Il appartient désormais aux juridictions compétentes de trancher, en s’appuyant sur les faits et les preuves, pour rendre justice dans cette affaire sensible.