Asie et Océanie : les réseaux sociaux seront interdits aux jeunes Australiens

Le Parlement australien a approuvé jeudi une loi interdisant l’accès aux réseaux sociaux pour les moins de 16 ans, l’une des mesures les plus strictes au monde en la matière pour des plateformes comme X, TikTok, Instagram ou Facebook.

De quoi parle-t-on ?

Le Parlement australien a adopté jeudi une loi interdisant l’accès des moins de 16 ans aux réseaux sociaux. Dans son viseur : Facebook, Instagram, Snapchat et TikTok. La mesure – qui n’entrera pas en vigueur avant la fin de 2025 – vise à protéger les adolescents des « dangers » des réseaux sociaux, a déclaré le premier ministre du pays, Anthony Albanese. Les jeunes doivent « lâcher leurs téléphones et se retrouver sur les terrains de foot, de cricket, de tennis, de volley ou à la piscine », a-t-il indiqué. Sans surprise, les grandes plateformes ont dénoncé en bloc la mesure, la qualifiant de « floue » et « précipitée ». À défaut de s’y conformer, ces géants du numérique s’exposeront à des amendes pouvant atteindre 50 millions de dollars australiens, l’équivalent de 45,5 millions de dollars CAN.

Comment la loi sera-t-elle appliquée ?

C’est la grande question. La législation prévoit que les entreprises technologiques prennent « des mesures raisonnables » pour empêcher les mineurs d’accéder à leurs plateformes. Mais elle ne précise pas à quoi elles pourraient ressembler. Du moins, pas à ce stade. En janvier, plus de 1200 personnes devraient participer à un essai de systèmes de vérification d’âge annoncé par le gouvernement australien, dans l’espoir de formuler des recommandations. « Il existe des mécanismes de vérification d’âge qui procurent un certain niveau de certitude, mais ce n’est jamais parfait », résume Pierre Trudel, professeur de droit à l’Université de Montréal.

À quoi ressemblent ces mécanismes ?

L’un d’eux consiste à demander un numéro de carte de crédit pendant la création d’un compte. Une méthode simple, mais qui a ses failles. « Le jeune peut prendre la carte de maman ou de papa », note M. Trudel. Les plateformes pourraient utiliser des mesures biométriques comme la reconnaissance faciale pour vérifier l’âge d’un utilisateur ou encore faire appel à une autre entreprise spécialisée dans ces systèmes. Mais ces mécanismes posent des risques à la vie privée. « Ça implique la constitution d’un dossier de renseignements personnels par le réseau social. Il faut que ça soit assorti de précautions robustes en matière de protection de la vie privée », souligne Pierre Trudel.

Est-ce la bonne approche ?

Qu’on ne s’y trompe pas : les jeunes trouveront le moyen de contourner les nouvelles restrictions, prévient Nina Duque, chargée de cours à l’Université du Québec à Montréal et spécialiste des pratiques numériques chez les adolescents. La preuve : des jeunes cités dans un récent article de l’Agence France-Presse ne cachent pas leur intention de rester sur les réseaux sociaux malgré l’interdiction. « Les jeunes vont aller sur de petites plateformes, où il y a encore moins de modération, plus de prédateurs et plus de contenu problématique », avertit Mme Duque. Elle n’est pas la seule à le craindre : plus d’une centaine d’universitaires australiens ont critiqué l’interdiction, affirmant qu’elle risquait de pousser des jeunes dans les recoins du web.

Le projet de loi pourrait-il faire des petits ?

« C’est certain que c’est une loi qui sera surveillée de près, souligne Pierre Trudel. Dans la plupart des pays démocratiques, il y a des inquiétudes quant à la fréquentation des jeunes sur les réseaux sociaux. » Depuis quelques années, des initiatives similaires ont vu le jour un peu partout, avec plus ou moins de succès. Aux États-Unis, en Floride, une loi interdisant l’ouverture d’un compte sur les réseaux sociaux aux moins de 14 ans doit entrer en vigueur en janvier, alors qu’en Utah, un juge fédéral a bloqué un projet de loi visant à rendre obligatoire l’accord parental pour accéder aux réseaux sociaux.

Devrait-on s’inspirer de l’exemple australien ?

Les jeunes caquistes ont récemment fait la proposition de fixer à 16 ans l’âge minimal pour accéder aux réseaux sociaux. La question de « majorité numérique » devrait d’ailleurs être abordée à la Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes, qui a débuté cet automne. Pour Nina Duque, l’Australie fait fausse route. En punissant les jeunes, la loi s’en prend à la mauvaise cible. « L’intimidation n’a pas été inventée avec les réseaux sociaux », souligne-t-elle. Et les plateformes ont du bon : connecter avec ses amis, trouver une communauté… « Les enjeux qui découlent d’une interdiction brutale comme celle-là sont beaucoup plus importants que ceux qu’elle essaie de régler », estime la spécialiste.

(AVEC LA PRESSE)
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