Au Bénin : 652 personnes, dont 22 femmes, sont détenues pour terrorisme (ONU)

Lors de sa visite au Bénin, Ben Saul, rapporteur spécial des Nations Unies chargé des droits de l’homme dans la lutte contre le terrorisme, a inspecté les conditions de détention des personnes accusées de terrorisme. Dans ses observations préliminaires, il a fait part des principaux constats issus de sa visite à la prison civile d’Akpro-Missérété, où se trouvent la plupart des personnes poursuivies par la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET).

À la date de la visite de l’expert de l’ONU, le système pénitentiaire béninois comptait 10 personnes condamnées pour terrorisme et 652 détenus provisoires (dont 22 femmes) accusés de faits liés au terrorisme. La prison d’Akpro-Missérété, l’une des plus sécurisées du pays, abrite 609 personnes de diverses nationalités incarcérées pour des faits terroristes, en plus des condamnés. Les femmes, quant à elles, sont détenues à la maison d’arrêt de Porto-Novo, tandis que certains prévenus sont incarcérés à la maison d’arrêt de Cotonou. Selon l’article 166 du Code pénal béninois, ces détenus risquent la réclusion criminelle à perpétuité si leur culpabilité est prouvée.

Ben Saul a observé que la personne la plus âgée détenue pour terrorisme a 82 ans. Bien que les autorités béninoises aient indiqué qu’aucun enfant n’était incarcéré pour des faits terroristes, l’expert a signalé avoir rencontré un garçon de 14 ans, arrêté avec son père alors qu’il n’avait que 13 ans. Selon l’article 37 (c) de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), tout enfant doit être séparé des adultes, sauf si cela est contraire à son intérêt supérieur.

Ben Saul a constaté un assouplissement des conditions de détention par rapport à la période précédente, marquée par des mesures strictes de sécurité et d’isolement. Lors de sa visite, il a noté que les personnes accusées de terrorisme étaient désormais détenues avec le reste de la population carcérale, sans mesures de sécurité particulières. Cet assouplissement semble refléter la présomption d’innocence des détenus et le fait que ceux-ci ne sont pas perçus comme présentant un risque particulier de violence ou de radicalisation.

Le rapporteur a également affirmé n’avoir reçu aucun rapport faisant état de mauvais traitements physiques infligés par le personnel pénitentiaire. Les détenus bénéficient du droit de consulter leurs avocats dans des conditions privées, sans limitation de durée. Toutefois, certains ont exprimé des difficultés pour accéder à un avocat, et des obstacles ont été signalés dans la préparation de leur défense.

Les défis persistants dans les prisons
Malgré les progrès réalisés, des difficultés subsistent dans les établissements pénitentiaires du Bénin. Des organisations de défense des droits de l’homme ont soulevé des problèmes de surpopulation, de conditions sanitaires déplorables, d’accès limité à l’eau, de manque d’hygiène, de literie insuffisante, ainsi que des repas de mauvaise qualité et un accès limité aux soins médicaux. En réponse, le gouvernement béninois a annoncé en juillet dernier des travaux d’extension et de réhabilitation dans cinq maisons d’arrêt, visant à améliorer les conditions de vie des détenus et résoudre le problème de la surpopulation.

Les autorités pénitentiaires ont aussi affirmé leur volonté de respecter les normes internationales en matière de détention, y compris les Règles Mandela. Le Bénin a mis en place un cadre de concertation pour la réinsertion socio-professionnelle des détenus, avec le soutien du Projet d’appui à l’amélioration de l’accès à la justice et de la reddition des comptes (PAAAJRC II).

Arrestations arbitraires liées au terrorisme ?
Les arrestations pour terrorisme au Bénin ont commencé après l’attaque terroriste qui a coûté la vie au guide touristique Fiacre Gbédji. Depuis lors, des centaines de personnes ont été arrêtées sous des soupçons de liens avec des activités terroristes. Ben Saul a soulevé des inquiétudes concernant certaines arrestations qui n’auraient pas été justifiées par des preuves suffisantes. Dans plusieurs cas, aucune raison claire n’a été donnée au moment de l’arrestation ou lors de la détention, même après que les personnes aient été formellement accusées par la CRIET. Ces arrestations, selon lui, peuvent constituer des privations arbitraires de liberté, en violation de l’article 9(1) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).

Le rapporteur a cité la libération en août 2023 de 127 personnes, arrêtées pour terrorisme, comme un exemple illustrant l’ampleur potentielle des arrestations non fondées.

La lutte contre le terrorisme au Bénin
L’opération « Mirador », lancée au Bénin pour lutter contre le terrorisme, a déployé initialement une centaine de soldats pour sécuriser les zones vulnérables du nord du pays. Cette opération défensive inclut des patrouilles, des perquisitions, la collecte de renseignements et des arrestations. Selon l’expert de l’ONU, les règles d’engagement de l’armée respectent largement le droit international humanitaire, notamment les Conventions de Genève de 1949.

Le Bénin a également créé la Garde nationale, une unité spéciale dédiée à la lutte contre le djihadisme, et une équipe mixte composée de policiers et de militaires est déployée sur le terrain. En janvier 2024, les autorités militaires ont rapporté avoir éliminé plus de 100 terroristes, bien que des pertes aient été enregistrées parmi les forces armées.

Outre l’intervention militaire, le Bénin mène des campagnes de sensibilisation auprès des populations des zones vulnérables, les encourageant à participer à la lutte en étant vigilantes et en dénonçant les activités suspectes. Le gouvernement mène également des initiatives de développement dans ces zones pour améliorer les conditions de vie, tout en poursuivant la lutte contre le terrorisme. Ben Saul a salué cette approche globale, combinant sécurité et développement pour renforcer la résilience du pays face aux menaces terroristes.

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