La Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a annoncé, dans un avis officiel daté du 3 avril 2025 et signé par son Gouverneur Jean-Claude Kassi Brou, la fin des règles dérogatoires appliquées aux titres publics du Niger. À compter du 15 avril, les banques de l’UEMOA devront de nouveau appliquer les règles classiques en matière de comptabilisation et d’évaluation de ces titres. Cette décision marque un tournant. Depuis janvier 2024, les établissements de crédit bénéficiaient de dispositions spéciales leur permettant de traiter les obligations et bons du Trésor nigériens selon des règles assouplies. Ce régime dérogatoire avait été mis en place dans un contexte de crise politique et économique sévère : coup d’État de juillet 2023, sanctions régionales, gel des avoirs, perte de confiance des marchés.
Pourquoi ces mesures avaient-elles été instaurées ?
Face à l’instabilité institutionnelle et à l’isolement diplomatique du Niger, la BCEAO avait choisi de protéger le système financier régional. En assouplissant temporairement les règles prudentielles, elle permettait aux banques de conserver dans leurs portefeuilles des titres nigériens sans trop alourdir leur exposition au risque. Une façon indirecte de soutenir l’État nigérien tout en évitant un effondrement de la confiance.
Que signifie la levée de ces mesures ?
Dès le 15 avril, les titres émis par le Niger seront traités comme ceux de tous les autres États membres de l’UEMOA. Les banques devront appliquer l’Instruction N°026-11-2016 relative aux normes comptables et prudentielles, sans exception. Cette décision peut être lue de deux manières.
La normalisation
Pour certains, cette mesure traduit une amélioration de la situation économique et budgétaire du Niger. Le pays aurait retrouvé une capacité de gestion satisfaisante. La BCEAO, en levant le régime spécial, enverrait ainsi un signal de confiance : le Niger n’est plus un cas à part. Cette normalisation pourrait inciter les investisseurs régionaux à revenir, surtout si les titres nigériens offrent des rendements attractifs. Ce serait un pas vers la réintégration financière du Niger dans l’espace UEMOA.
Un retrait du filet de sécurité
D’autres y voient la fin d’un soutien implicite. Tant que les mesures spéciales étaient en place, les banques étaient protégées du risque nigérien. En revenant aux règles classiques, la BCEAO transfère à nouveau la responsabilité du risque aux établissements financiers. Cela pourrait freiner les investissements dans les titres du Trésor nigériens, ou les rendre plus coûteux pour l’État. Les banques, désormais contraintes d’intégrer pleinement le risque dans leurs bilans, pourraient exiger des taux plus élevés ou réduire leur exposition.
Un choix politique et technique
La décision de la BCEAO s’inscrit à la croisée de considérations économiques, financières et politiques. Elle traduit une volonté de retour à la rigueur réglementaire, tout en plaçant l’État nigérien face à ses responsabilités. En apparence neutre, cette levée de mesures temporaires pourrait en réalité renforcer la pression sur Niamey. Elle exige que le gouvernement rassure les marchés, renoue avec ses partenaires régionaux, et prouve sa crédibilité financière. Une équation délicate, dans un climat encore marqué par les incertitudes. Le retour aux règles normales n’est ni un chèque en blanc, ni une sanction. C’est un test. Le Niger doit désormais convaincre sans filet de sécurité. La BCEAO, elle, joue la carte de la rigueur, en laissant les acteurs économiques interpréter le message à leur manière. Normalisation, oui, mais à chacun d’assumer les risques de cette nouvelle étape.