Lutte contre le blanchiment de capitaux au Bénin : la CENTIF, pilier discret d’une gouvernance financière assainie

Depuis 2006, la Cellule nationale de traitement des informations financières (CENTIF) œuvre dans l’ombre pour préserver l’intégrité du système financier béninois. Dans un entretien exclusif accordé au Journal béninois Le Matinal, son président Abdou Rafiou Bello revient sur les avancées majeures de cette institution stratégique, les défis actuels et l’engagement sans faille du gouvernement pour asseoir une économie transparente et résiliente.

Discrète mais incontournable, la CENTIF est devenue, en 19 ans d’existence, le maillon central de la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive au Bénin. À sa tête depuis juillet 2024, Abdou Rafiou Bello incarne une nouvelle étape de modernisation et d’efficacité pour cette structure rattachée au ministère de l’Économie et des Finances.

Dans cet entretien, il insiste sur l’évolution notable du dispositif béninois depuis l’arrivée au pouvoir du président Patrice Talon : « La lutte, encore embryonnaire au début des années 2010, a gagné en maturité grâce à un engagement politique fort. Depuis 2016, la CENTIF bénéficie de ressources, d’un cadre légal renforcé et d’un alignement sur les normes internationales. »

Une mission au cœur de la régulation

Créée en application d’une directive de l’UEMOA, la CENTIF n’a cessé d’adapter ses méthodes. Sa mission est claire : collecter, analyser et diffuser des renseignements financiers sur les flux illicites, dans le respect strict de la loi et en toute indépendance.

« La CENTIF ne traque pas les citoyens. Elle ne vise pas à brider les libertés économiques mais à assainir le système financier. Les effets d’un dispositif défaillant sont bien plus dévastateurs : hausse des coûts de transactions, retrait des investisseurs étrangers, ou encore paralysie des opérations bancaires internationales », rappelle le président de la cellule.

Des résultats tangibles et une coopération renforcée

De 2019 à 2024, 1 631 dossiers ont été traités par la CENTIF, dont 104 transmis à la CRIET. 850 autres ont été partagés avec des administrations comme la Direction générale des impôts, la Brigade économique et financière ou encore le Centre national des investigations numériques. En 2024, ces échanges ont permis un redressement fiscal de près de 4,9 milliards de FCFA.

Mieux, la CENTIF a su s’intégrer dans un réseau de coopération sous-régional et international. Membre du Groupe Egmont, qui regroupe 177 cellules de renseignements financiers dans le monde, elle collabore aussi étroitement avec ses homologues de l’UEMOA, de la CEDEAO et du Bassin du Lac Tchad.

Cap sur la modernisation

Depuis sa nomination, Abdou Rafiou Bello a entrepris la refonte stratégique de l’institution : digitalisation des processus, interconnexion aux bases de données nationales, exploitation des ressources d’identification des personnes, entreprises, biens et antécédents criminels. « Le Bénin dispose aujourd’hui d’un écosystème informationnel unique dans la sous-région. Il faut en faire un levier pour une action plus réactive et mieux ciblée. »

Dans cette optique, des conventions de partenariat sont régulièrement signées, comme avec Bénin Control, pour mieux tracer les opérations aux frontières douanières.

Changer les perceptions

Alors que certains Béninois continuent de percevoir la CENTIF comme un organe de surveillance ou de répression, son président se veut rassurant : « Notre mission est préventive et non punitive. Elle vise à garantir un environnement économique sain et propice aux investissements. Les populations n’ont rien à craindre, bien au contraire. »

Un appel à la responsabilité collective

En guise de conclusion, Abdou Rafiou Bello lance un appel à tous les acteurs : institutions publiques, partenaires privés, citoyens. Car selon lui, la lutte contre le blanchiment n’est pas l’affaire d’une seule institution. « Elle doit être une priorité collective, à la croisée de la bonne gouvernance, du développement durable et de la souveraineté économique. »

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